Après3 festivals à guichet fermé au Théâtre des Béliers, plus de 1000 représentations à Paris et un triomphe à Lyon la saison dernière, la comédie de Fabienne Galula, mise en scène par Jean-Philippe Azéma (Entrez sans frapper) est de retour au théâtre avec sa distribution 100% lyonnaise.Bienvenue au paradis des gommettes, des doudous et des anti-dépresseurs !Pourquoi avoir choisi de reprendre des pièces de Beckett ? Et pourquoi tout spécialement ce triptyque Catastrophe / Fragment de théâtre / Acte sans paroles ? En fait, je sortais d'un seul en scène que j'avais écrit, qui m'avait pris pas mal de temps et qui avait bien tourné. Je me demandais comment repartir sur un projet différent et je me suis dit que j'allais prendre un texte d'auteur, ce que je n'avais pas beaucoup fait. Je cherchais un truc assez radical et précis, quelque chose qui me donne vite des directions. J'ai repensé à Samuel Beckett il faisait partie de mes premières amours au théâtre. Ça avait été un choc quand j'avais découvert son travail au conservatoire. Je l'ai relu et je me suis rendu compte de la force de l'écriture et de la richesse de son œuvre, parce qu'il a fait tellement de choses... Il était traducteur, romancier, il a écrit pour la télé et la radio, il a fait des performances pour la danse, il a vraiment été quelqu'un d'assez touche-à-tout. Et tout ce que je relisais, je trouvais ça très solide, très beau. Mais je ne voulais pas partir sur ses grandes pièces qui ont déjà été souvent portées au plateau, comme En attendant Godot ou Fin de partie. Avec ses petites pièces courtes, j'ai eu un premier choc. Je tombe d'abord sur Acte sans paroles qui est une pièce... sans paroles [rires] et que je trouvais super. Ça répondait exactement à ce que je voulais il y avait quelque chose de très explicite pour le metteur en scène et pour l'interprète puisque cette pièce n'est faite que d'indications scéniques. C'est une partition précise, rigoureuse, un bel hommage à la pantomime. Il l'a écrite dans les années 50 pour un danseur. Et ça fait appel à beaucoup de machinerie de théâtre aussi. Il y avait un petit défi technique qui était lancé à celui qui avait envie de s'en emparer. Puis j'en ai discuté, notamment avec Le Grand T, qui a trouvé le projet intéressant. Les pièces courtes de Beckett font à peu près une demi-heure donc il fallait étoffer, en lire d'autres. J'ai appelé Yvon Lapous, qui est un comédien nantais que j'aime beaucoup. Ensemble, on a relu ces pièces courtes et on en a choisi deux autres qui sont venues compléter intelligemment la première. On a trouvé Fragment de théâtre et Catastrophe qui sont deux pièces un peu différentes. Je trouve que la pensée de Beckett résonne très fort en ce moment. Tout son travail autour de l'inutilité de la réussite par exemple est très intéressant. Il nous dit que réussir, ça ne veut pas dire grand-chose. Si on achève quelque chose, ça veut dire qu'on arrive à un point mort, fixe, ça ne veut rien dire. Notamment au regard de notre époque qui commence à regarder du côté de la décroissance et qui commence à réfléchir sur sa consommation, sur le rapport au monde et à la place de l'homme dans tout ça... Beckett avait déjà dit ça depuis le début. C'était déjà son cheval de bataille. Dans Acte sans paroles, on voit un homme se bagarrer avec une nature qui lui est envoyée depuis les cintres, on ne sait pas trop par qui ça pourrait être Dieu, le régisseur du théâtre, un machiniste ou un metteur en scène capricieux. Il ne va jamais pouvoir s'en emparer. Les choses qu'on lui envoie sont des choses simples - un arbre, de l'eau - et il va vouloir se bagarrer par exemple pour attraper une petite carafe d'eau qui est à 3m du sol. Il y avait des images assez fortes qui résonnaient bien, presque écologiquement. Surtout, il y a un humour chez Beckett qui m'avait frappé dès les premières fois. J'avais découvert En attendant Godot au conservatoire, j'étais persuadé que c'était un auteur comique, c'était drôle de bout en bout. Après, on se rend compte que c'est un rire plus profond que ça... Beckett dit qu'il n'y a plus qu'à en rire on se rend compte qu'on ne comprendra rien, qu'on ne sera maître de rien mais qu’à la fin, il n'y a toujours plus qu'à en rire. Je trouve cette conclusion très forte. L'humour, c'est une arme que je manie depuis toujours, que j'ai toujours mise dans mon travail. Donc là il y avait tout ! Il y avait une vraie pensée puissante, forte, il y avait un petit défi technique, il y avait un truc très original avec des formats bizarres, une rigueur, un dépouillement aussi avec un plateau désertique, un éclairage éblouissant, et en plus de l' ce triptyque, y avait-il l'idée de manier des formes artistiques différentes ? Comment ce choix s’est-il fait ? La première pièce est un solo et les deux autres sont des duos. L'idée était de montrer un panel, de faire redécouvrir Beckett et de montrer la richesse de l'écriture de cet homme-là qui a écrit du milieu des années 40 jusque dans les années 80. Un parcours d'écrivain du 20e siècle très intéressant. Les deux premières pièces se situent dans les années 50-60, la dernière a été écrite dans les années 80. Dans Acte sans paroles, il y a l'intérêt que porte Beckett au corps c'est un hommage au burlesque. On voit aussi tout l'amour qu'il porte à Charlie Chaplin, à Buster Keaton, aux Marx Brothers. On pose un objet, on se retourne, et puis il n'est plus là. Le pur gag ! Les deux autres pièces sont plus dialoguées, plus écrites. On se rend alors compte de la force de l'écriture de Beckett chaque mot est pesé, choisi, tout a été pensé au plus juste, au plus la dernière pièce, est plus récente. C'est sans doute une des pièces les plus directement politiques de Beckett. Il l'a dédié à Václav Havel qui, à l'époque, était emprisonné. Beckett s'est toujours défendu du côté politique mais cette pièce parle quand même de dictature et d'un fonctionnement autoritaire dans le travail. Elle se passe dans le milieu du théâtre. On y voit un metteur en scène et son assistante travailler sur une image. Et cette répétition rapide - puisque le metteur en scène a peu de temps à accorder et qu'il va faire courir son assistante - va virer à la séance de torture. Le comédien n'a pas son mot à dire on ne lui parle jamais ou on parle de lui comme un objet. Je trouvais que ces trois pièces ensemble donnaient une belle vision de Beckett et de son travail en général. Pour quelqu'un qui connaît bien Beckett, c'est une façon de venir voir des pièces plutôt inédites. Pour quelqu'un qui ne connaîtrait pas Beckett, ou qui pourrait avoir une appréhension, c'est une bonne façon de rentrer dans son univers, comme une petite soirée court-métrages.
Exclusif- Virginie Hocq, Macha Méril, Zinedine Soualem - Personnalités lors de la représentation de la pièce "C'était quand la dernière fois ?"
L’année 2021 démarre aussi tristement que celle de 2020 s’est terminée, avec son flot de mauvaises nouvelles. Aujourd’hui, 19 janvier, Catherine Rich, nous a quitté à l’âge de 88 ans rejoignant au paradis des artistes son époux adoré, Claude Rich, décédé en 2017. Son adorable sourire, son élégance naturelle nous manque déjà. La première image qui surgit, lorsque je pense à elle, est sa délicatesse. Petite brindille aux cheveux roux, elle regardait la vie de ses beaux yeux bleus, un doux sourire accroché à ses lèvres fines. Elle avait une voix douce et mélodieuse. C’était toujours surprenant quand on croisait le couple Rich, se tenant toujours bras dessus dessous, de voir la ressemblance physique qui existait entre eux deux et cette marque de famille qu’est une certaine joie de vivre, une belle prestance, une tendre et simple affabilité. Il suffisait que leur fille Delphine apparaisse derrière eux, pour voir le résultat, tant elle ressemble à ses parents. Une princesse de télévision La première fois que j’ai vu Catherine Rich, c’était à la télévision en 1972, dans ce chef-d’œuvre, Les Rois Maudits, où elle incarnait la frêle Jeanne de Bourgogne. Puis, il y eut les années Maguy Rosy Varte, de 1985 à 1987, où elle incarnait Hélène, la femme de Pierre Henri Garcin, meilleurs amis de Georges Jean-Marc Thibaut. Elle y excellait dans ce registre comique avec cette élégance qui la caractérisait. Une belle carrière au théâtre Si la télévision et le cinéma faisaient appel à elle de temps en temps, c’est vraiment au théâtre qu’elle exerçait son talent. On ne peut oublier sa prestation remarquable dans les 24 heures de la vie d’une femme de Stefan Zweig, mis en scène par Marion Bierry, en 1990 au Poche Montparnasse, dirigé alors par ses amis Etienne Bierry et Renée Delmas. Ce spectacle fut son grand succès, qu’elle repris toujours avec autant de bonheur en 2008 et 2009 au Petit Montparnasse. Ses apparitions sur scène était toujours parfaite. Elle savait nous faire passer du rire aux larmes avec l’aisance des grandes actrices. Une dame du Jeudi Mon dernier souvenir d’elle sur scène date de 2010, au Théâtre de l’Oeuvre, dans la pièce de Loleh Bellon, Les dames du Jeudi, dans l’excellente mise en scène de Christophe Lidon. Avec Annick Blancheteau et Marina Vlady, elles formaient un trio de vieilles copines qui nous racontaient leurs souvenirs dans un tourbillon d’émotion. Elle y était merveilleuse. Se cachant derrière une certaine timidité, je me souviens alors de sa gêne lorsque je lui avait dit toute mon admiration et ce sourire si beau, si doux. Aujourd’hui, je pense à sa famille, à ses filles Delphine et Nathalie, à ses amis et à nous, simples spectateurs, à qui elle va manquer. Marie-Céline Nivière Crédit photos © DR, © CTP, © Bruno Perroud
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Né au Liban le 16 octobre 1968 Coissard, p. 11, il devient enfant-soldat très jeune Coissard, p. 12. Il reste à la solde des miliciens jusqu’à ses huit ans, moment où ses parents décident de quitter le pays. Ils s’établissent alors en France. En 1983, lorsque Mouawad a 15 ans, la famille quitte la France pour le Québec. Au Québec, Mouawad obtient son diplôme de l’École Nationale de Théâtre du Canada en 1991. Après sa sortie de l’école, il cofonde le Théâtre Ô Parleur avec Isabelle Leblanc et débute immédiatement sa carrière de metteur en scène avec deux pièces écrites par son frère, soit Al Malja en 1991 et L’Exil en 1992 Coissard, p. 12-13. De cette époque à aujourd’hui, Mouawad monte une foule de pièces de genres variés, dont des pièces qu’il a écrites lui-même Coissard, p. 14. Dès 1991, il met en scène un texte à lui, soit Partie de cache-cache entre deux Tchécoslovaques au début du siècle Coissard, p. 14-15. MOUAWAD, Wajdi, Incendies Le sang des promesses, 2, Montréal, Leméac/Actes Sud, coll. Babel », 2011. Cependant, Mouawad est principalement connu pour sa tétralogie théâtrale Le Sang des promesses. Ainsi, c’est en 1997 avec Littoral, première pièce de sa tétralogie Coissard, p. 7, qu’il acquiert la reconnaissance de la critique et du public ainsi qu’une renommée internationale Coissard, p. 15. Cela lui permet de retourner en France dans le cadre de la présentation de sa pièce. Incendies, la deuxième pièce du Sang des promesses, sort le 14 mars 2003 au théâtre Hexagone et est publiée la même année aux éditions Leméac/Actes Sud Coissard, p. 7. La pièce obtient un immense succès et est adaptée en russe en 2007 au théâtre Et cetera à Moscou Coissard, p. 15. En 2009, soit trois ans après la sortie de Forêts, le troisième volet de la tétralogie Coissard, p. 7, le metteur en scène retourne pour une dernière fois à l’univers du Sang des promesses en concevant une nouvelle version de Littoral et en créant Ciels, le quatrième et ultime volet Coissard, p. 15. La même année, Incendies est rééditée dans la collection de poche Babel Coissard, p. 7. En 2010, Denis Villeneuve adapte la pièce au cinéma sous le même titre[2]. Le film est présenté pour la première fois à la 67e Mostra de Venise et est nominé aux Oscars dans la catégorie du meilleur film en langue étrangère. De plus, il remporte neuf prix à la 13e cérémonie des Jutra. Présentation d’Incendies Genèse de l’œuvre Dans la postface de l’édition de Babel parue en 2009, on apprend qu’à l’origine de la pièce Incendies il y a la prison Khiam[3]. Au début de l’année 2001, Mouawad invite Josée Lambert à un lundiduda », des représentations organisées chaque mois au théâtre de Quat’Sous par Mouawad lui-même p. 137. Photographe engagée, Lambert, au cours d’un voyage au Liban en 1995, prend en photo la prison de Khiam. Au lundiduda, Lambert raconte l’histoire de la prison à Mouawad, qui n’en avait jamais entendu parler. Il s’agit d’une ancienne caserne française convertie en base de l’armée, puis en prison en 1985 p. 138. Au cours de la guerre, des milliers de Libanais et de Palestiniens sont emprisonnés de manière arbitraire. Ce n’est qu’en 2000 que la prison est finalement abandonnée, lorsqu’Israël se retire du Liban p. 138-139. Au fil de son récit, Lambert en vient à raconter l’histoire de Souha Bechara, emprisonnée à Khiam pour avoir tirée deux balles sur Antoine Lahad, le chef de l’Armée du Liban-Sud ALS p. 139. À la suite de sa rencontre avec Josée Lambert, Mouawad se plonge dans l’histoire du Liban p. 143. Au fil de ses recherches, il découvre les films documentaires de Randa Chahal Sabbag, une Libanaise vivant à Paris qui s’intéresse à la guerre civile au Liban. Plus précisément, l’un de ces documentaires, intitulé Souha, survivre à l’enfer, s’attarde, comme le titre l’indique, à la résistante libanaise Souha Bechara. Mouawad écrit alors à Sabbag et celle-ci lui fait parvenir une copie du film p. 144. En découvrant Souha Bechara, Mouawad se dit qu’elle est ce qu’il aurait pu être s’il était resté au Liban, qu’il pourrait être son jumeau p. 145. Il se rend alors à Paris pour rencontrer Sabbag, où cette dernière lui propose une rencontre avec Souha Bechara. Quand Mouawad se retrouve en présence de Bechara, il n’a pas encore lu son livre Résistante qui détaille son expérience p. 149. Il mentionne à la résistante qu’il ignorait tout de Khiam avant tout récemment et qu’il a été choqué d’apprendre que les bourreaux de Khiam vivaient au Canada aujourd’hui. Il parle aussi de l’histoire qui lui est venue de tout cela l’histoire d’une jeune fille amoureuse qui tombe enceinte et à qui on enlève son enfant p. 150. Cette jeune fille quitte son village, s’instruit, et devient journaliste. Quand la guerre éclate, elle se joint à la résistance. Lors d’une opération, elle est capturée et enfermée. Quand les autres se font torturés, elle chante, et obtient alors le surnom de la femme qui chante. En prison, elle est violée plusieurs fois, tombe enceinte et accouche d’une fille. Quand elle est libérée, elle quitte le pays avec son enfant. Plus tard, elle apprend que son violeur est le fils qu’elle cherchait. Quand elle l’apprend, elle cesse de parler. C’est en quittant Bechara que Mouawad se dit qu’il serait intéressant pour la résistante d’avoir des jumeaux plutôt qu’une fille p. 151. Ici, ceux qui ont lu Incendies reconnaîtront facilement les germes de ce qu’allait devenir la pièce. On comprend ainsi que la rencontre de Mouawad avec Josée Lambert, puis avec Souha Bechara, a été une grande inspiration. Résumé de la pièce MOUAWAD, Wajdi, Incendies Le sang des promesses, 2, nouvelle édition, Montréal, Leméac/Actes Sud, coll. Acte Sud Papiers », 2009. Quand Nawal Marwan meurt, Hermile Lebel, son ami, notaire et exécuteur testamentaire, présente son testament à ses enfants, les jumeaux Jeanne et Simon Marwan. Selon les dernières volontés de Nawal, une enveloppe est confiée à chacun d’eux. Jeanne doit remettre la sienne à leur père inconnu; Simon doit remettre la sienne à leur frère dont ils ignoraient jusqu’alors l’existence. Tandis que Simon refuse d’abord de se prêter au jeu, Jeanne, elle, part en quête de ses origines au Liban. Là-bas, au fil des rencontres, elle apprend que sa mère a été emprisonnée à la prison de Kfar Rayat par le passé, qu’elle était connue sous le nom de la femme qui chante » et que son père n’est nul autre qu’Abou Tarek, le gardien de la prison qui a violé sa mère. Après cette découverte, Simon part finalement en quête de leur frère, accompagné d’Hermile Lebel. Sa quête le mène auprès d’un individu nommé Chamseddine, qui lui révèle que leur frère, Nihad Harmanni, n’est pas l’enfant né du viol de Nawal par Abou Tarek, que c’est Jeanne et lui qui le sont. Il apprend qu’ils ont été d’abord recueilli par Chamseddine lui-même, qui les a appelé Janaane et Sarwane, et que Nihad, leur frère, est aussi Abou Tarek, leur père. La vérité révélée, les jumeaux s’acquittent de leur dernière tâche, remettant les deux lettres à Nihad/Abou Tarek. Enfin, Hermile Lebel, sous les instructions de Nawal, leur remet une lettre de la part de leur mère, qu’ils lisent. Personnages Incendies comporte un total de 15 personnages, dont trois personnages piliers Nawal, Jeanne et Simon, trois personnages secondaires importants Hermile Lebel, Sawda et Nihad Harmanni/Abou Tarek et neuf personnages que l’on dira transitoires ». Nous nous attarderons davantage aux personnages centraux. Les autres personnages seront mentionnés ou décrits par rapport à la relation qu’ils entretiennent avec les personnages piliers. Nawal Marwan Nawal Marwan est le personnage central par excellence, car toute l’intrigue s’articule autour d’elle, aussi bien dans le passé que dans le présent. Nawal naît au Liban. À l’adolescence, elle entretient une relation amoureuse avec Wahab et tombe enceinte. Jihane, sa mère, refuse qu’elle garde l’enfant et elle est donc forcée de le donner à sa naissance. Peu de temps après, Nazira, sa grand-mère, meurt, mais pas avant de lui prodiguer des conseils. Bien qu’elle apparaisse dans peu de scènes, Nazira a une influence fondamentale sur l’avenir de Nawal. C’est en effet sur son conseil que celle-ci apprend à lire et à écrire, entre autres pour pouvoir graver le nom de sa grand-mère sur sa tombe, mais aussi pour rompre le cycle de la violence et de la haine par la connaissance. Après avoir gravé le nom de sa grand-mère, Nawal part à la recherche de son fils, accompagnée de Sawda. En chemin, elle éduque la jeune femme et devient son amie. Elle est finalement enfermée à la prison de Kfar Rayat pour le meurtre du chef des milices, où elle devient la femme qui chante », en mémoire de Sawda qui chantait tout le temps. Elle est violée par le gardien de prison Abou Tarek, qu’elle ignore alors être son fils, et tombe enceinte de Jeanne et Simon. Elle accouche en prison. Plus tard, après la guerre, les jumeaux sous sa garde, elle découvre en suivant le procès d’Abou Tarek que son violeur est aussi son fils perdu, ce qui la plonge dans le silence. Au début de la pièce, Nawal vient juste de mourir. Elle a nommé Hermile Lebel comme exécuteur testamentaire et confie aux jumeaux, à travers son testament, une ultime quête. Jeanne Marwan Jeanne Marwan, fille de Nawal et sœur jumelle de Simon, enseigne les mathématiques, et plus précisément la théorie des graphes, à l’université où elle prépare son doctorat. Elle est très affectée par la mort de sa mère et décide rapidement de partir à la recherche de son père et en quête de ses origines. Au fil de son parcours, Jeanne croise plusieurs personnages. D’abord, il y a Antoine, l’infirmier qui s’occupait de Nawal à la fin de sa vie et celui qui a entendu ses derniers mots. Après la mort de Nawal, il va travailler pour un théâtre. Quand Jeanne vient le voir, il l’aide du mieux qu’il peut pour orienter ses recherches et lui remet les enregistrements qu’il a faits du silence de sa mère. Jeanne rencontre ensuite Abdessamad, qui vient du même village que Nawal. Ensuite, il y a Mansour, le guide de la prison de Kfar Rayat transformée en musée. Il la met sur la piste de Fahim, ancien gardien de la prison, reconverti en concierge. Il a été épargné après la guerre quand on a appris ce qu’il avait fait pour la femme qui chante. Quand celle-ci a accouché, plutôt que de noyer son enfant il croit qu’il n’y en a qu’un seul comme il le faisait pour les autres, il le remet à un paysan du nom de Malak. Malak, bien qu’il n’apparaisse que dans une seule scène, joue un rôle pivot. En effet, c’est lui qui apprend à Jeanne que l’ancien gardien de prison n’a pas sauvé un seul bébé, son frère inconnu, mais deux bébés, soit Simon et elle, qu’il a nommé Janaane et Sarwane. Il s’agit donc du personnage apprenant à Jeanne l’identité de son père, soit Abou Tarek, celui qui dirigeait la prison où sa mère était retenue. Simon Marwan Simon Marwan, fils de Nawal et frère jumeau de Jeanne, est un boxeur qui cherche à en faire une carrière professionnelle. Il en veut à sa mère pour avoir sombré dans le silence et refuse d’abord d’aller à la recherche de son frère. Finalement, après avoir lu le témoignage de sa mère dans le cahier rouge, Simon décide de se lancer, aidé d’Hermile Lebel. Hermile Lebel est le notaire et ami de Nawal, qui l’a désigné comme exécuteur testamentaire. Il est très affecté par sa mort et est bien décidé à faire respecter ses dernières volontés. Dans la pièce, il est mentionné qu’il a récemment changé de bureau. À noter, ce personnage permet l’introduction d’une touche d’humour dans la pièce, entre autres par le détournement d’expressions communes. Au terme de sa quête, Simon rencontre Chamseddine, le chef de la résistance du Sud. Tout comme pour Nazira ou Malak, ce personnage, bien que peu présent physiquement », joue un rôle clé dans la pièce, puisque c’est lui qui révèle à Simon que son frère perdu, Nihad Harmanni, est également son père, Abou Tarek. Nihad Harmanni / Abou Tarek Le lecteur ou spectateur en vient donc à concilier les deux hommes qui ne font qu’un. Nihad Harmanni, nommé ainsi par ses parents adoptifs Roger et Souhayla Harmanni, devient tireur d’élite sous les ordres de Chamseddine. Il prend ensuite la route du Nord pour retrouver sa mère, mais faute de succès, est recruté par l’armée étrangère où il devient un tireur d’élite cruel, qui prend en photo ses victimes et qui se fait des faux spectacles dans un pseudo-anglais. Quand il est promu au poste de chef de la prison, Nihad devient Abou Tarek. Fasciné par la femme qui chante, il se garde de la tuer et la viole à répétition. À son procès, il évoque le petit nez de clown, seule chose qui lui reste de sa mère, et c’est ainsi que Nawal, suivant les procédures, apprend que son violeur est aussi le fils qu’elle a tant cherché, car elle avait laissé à ce dernier un petit nez de clown. Analyse dramaturgique Notre analyse portera sur les éléments dramaturgiques de la pièce qui appartiennent au courant de l’extrême contemporain. Nous sommes toutefois conscient qu’Incendies peut avoir des affinités avec certains autres courants comme la postmodernité ou le théâtre d’Artaud. Nous avons ici fait le choix de nous concentrer sur son appartenance à l’extrême contemporain. Pour être plus précis, notre analyse s’articulera autour de quatre caractéristiques de l’extrême contemporain se retrouvant dans la pièce de Wajdi Mouawad le retour du récit et du personnage, le refus de la catharsis, le rôle central du traitement de la langue et l’éclatement du temps et de l’espace. Retour du récit et du personnage Avec l’extrême contemporain, on assiste à un retour du personnage et du récit, lesquels avaient été délaissés au cours de la postmodernité. En ce qui concerne le personnage, cela signifie qu’il est de nouveau doté d’une épaisseur psychologique. Ainsi, chaque personnage a sa personnalité propre; le personnage n’est plus interchangeable. Dans Incendies, on différencie effectivement les personnages les uns des autres. Mouawad va même plus loin dans le développement de ses personnages principaux, puisqu’il s’intéresse à la quête des origines de Jeanne et Simon et au parcours de vie de Nawal. Pour ce qui est du retour du récit, on mentionnera simplement que la pièce rompt avec la postmodernité par le simple fait qu’elle raconte une histoire, ce qui la classe dans l’extrême contemporain. Ce qui caractérise normalement le récit de l’extrême contemporain, c’est l’absence d’une fin bien définie, l’histoire étant plutôt laissée en suspens pour que le spectateur soit libre de formuler sa propre fin. Toutefois, Incendies s’éloigne de l’extrême contemporain en offrant une clôture plutôt conventionnelle, puisque la pièce s’achève sur la fin du parcours initiatique des jumeaux et que ces derniers ont obtenu les réponses à leurs questions relativement à leur origine. Refus de la catharsis Dans le théâtre de l’extrême contemporain, qui est pourtant parfois très violent, la catharsis n’opère pas. C’est parce que la catharsis nécessite la représentation claire d’une figure du bien » et d’une figure du mal ». Dans le théâtre traditionnel, le spectateur peut facilement identifier le héros du méchant, si bien qu’il peut aisément reconnaître l’exemple à ne pas suivre, ce qui est nécessaire pour que la catharsis fonctionne. Cependant, dans le théâtre de l’extrême contemporain, il est impossible de distinguer un héros ou un méchant au sens habituel, car l’extrême contemporain porte l’idée que tout le monde est à la fois bourreau et victime. Incendies illustre bien cette idée, puisqu’elle nous présente plusieurs personnages apparemment rangés » dans le présent, mais qui ont été coupables d’atrocités par le passé. On pensera notamment à Fahim et Chamseddine. Quant à Nihad/Abou Tarek, s’il est devenu cruel, on apprend toutefois que ce sont les circonstances de la vie qu’il a mené après que Nawal ait été forcée de l’abandonner qui l’ont rendu comme il est, si bien qu’on ne peut le voir simplement comme un vilain. D’autre part, l’idée que tout le monde est victime et bourreau est bien représentée dans la pièce par la formulation du cycle de la violence à la scène 17 p. 60-64, où un médecin explique à Nawal et Sawda que depuis des années et des années, un camp commet des atrocités pour se venger des atrocités commises par l’autre camp qui se vengeait lui-même et ainsi de suite. Ici, ils sont donc tous bourreaux et victimes. Et c’est parce que tout le monde dans Incendies est bourreau et victime, que personne n’est bon » ou mauvais » au sens traditionnel du terme et que la catharsis n’opère pas dans la pièce. Rôle central du traitement de la langue La langue du théâtre de l’extrême contemporain ne se veut pas réaliste, c’est-à-dire qu’elle ne cherche pas à imiter la réalité. Il s’agit plutôt d’une langue particulièrement travaillée, qui est sculptée, poétique, théâtrale. Notamment, Incendies comporte plusieurs longues tirades et longs monologues témoignant de la primauté du texte. Une autre caractéristique relativement au travail de la langue de l’extrême contemporain est l’emploi de tous les registres langagiers et de différentes langues. Dans la pièce, Mouawad écrit tantôt en français québécois familier – qui inclut des insultes proprement québécoises – tantôt dans un français standard soutenu. La scène 2 p. 15-26 de la pièce met bien en évidence ce contraste, présentant d’abord le testament de Nawal rédigé dans un parfait français, puis la tirade de Simon, qui parle dans un français québécois populaire parsemé de jurons. De même, l’anglais et le français se côtoient dans le texte. L’exemple le plus marquant est la scène 33 intitulée Les principes d’un franc-tireur » p. 115-116, où Nihad/Abou Tarek imite un présentateur américain dans un anglais approximatif contaminé par le français. Toutefois, c’est généralement l’anglais qui vient contaminer le français, puisque le français québécois, parlé par les personnages de Jeanne et Simon, est naturellement émaillé d’anglicismes. Enfin, le travail de la langue se manifeste aussi dans Incendies d’une manière qui lui est propre à travers le personnage d’Hermile Lebel, notamment par sa déformation des expressions courantes. Dès la première page du texte, plutôt que de dire la mer à boire », il dit la mer à voir » p. 13. Ainsi, Mouawad, grâce à ce personnage, peut non seulement jouer avec la langue à loisir, mais peut également insérer une touche d’humour dans un récit autrement très grave. Éclatement de l’espace et du temps Incendies, dans la lignée de l’extrême contemporain, présente un espace éclaté, c’est-à-dire que le lecteur/spectateur ne sait pas très bien où se déroule l’action. Cet effet d’abstraction est notamment créé par une absence de nomination. Ainsi, jamais les pays ne sont nommés p. 151. Le Liban, par exemple, n’est jamais mentionné textuellement p. 153. On l’appelle plutôt “le pays natal”, “le pays”, “le pays de votre mère” », etc. De plus, la description du pays en elle-même est très abstraite, puisqu’on situe les lieux en fonction des points cardinaux. Par exemple, Nabatiyé est simplement un village sur la route allant vers le Sud. Il faut noter que l’abstraction est maintenue même si l’auteur évoque quelques noms de lieux réels comme Nabatiyé et Kfar Matra, car il le fait en sachant qu’il écrit pour un public québécois n’ayant aucune connaissance de la géographie libanaise p. 153-154. Il s’agit donc plus de clins d’œil que d’autre chose. Enfin, on remarquera qu’aucune appartenance nationale ou religieuse n’est nommée directement dans le texte. On se contente de les désigner de manière générique par les réfugiés », les miliciens », la résistance de la région de Sud » et l’Armée du Sud » p. 154, ce qui contribue à l’abstraction générale. L’espace n’est pas la seule chose qui soit éclatée dans Incendies, le temps l’est aussi. D’abord, le temps est éclaté dans le sens qu’il ne s’écoule pas de façon linéaire. Ainsi, on ignore sur combien de temps s’échelonne l’histoire et on ne sait pas combien de temps s’écoule entre les différentes scènes. De même, il faut mentionner que la chronologie globale de l’histoire ne correspond pas à celle de la guerre du Liban p. 155. De plus, Mouawad brouille encore un peu plus les repères temporels en évitant de fournir des dates précises p. 156. Le temps de la pièce est donc un temps dilaté, à la signification symbolique p. 157, tel qu’illustré par des repères temporels abstraits comme Nous sommes au début de la guerre de cent ans » p. 76. Enfin, Mouawad achève d’éclater le temps en entremêlant les époques, alternant le récit de Nawal au passé et le récit des jumeaux au présent. Allant encore plus loin, il fait parfois se rencontrer les deux époques dans une même scène. Par exemple, dans la scène 14 Frère et sœur » p. 53-57, non seulement on alterne entre Nawal/Sawda et Jeanne/Simon, mais Nawal et Sawda croisent Jeanne sur scène. Jugement général Selon nous, Incendies est l’une des meilleures pièces d’extrême contemporain des dernières années, car Wadji Mouawad parvient à tirer le maximum des procédés propres à l’extrême contemporain, notamment en ce qui concerne l’éclatement de l’espace et du temps et le travail de la langue. Ainsi, le dramaturge mélange habilement passé et présent, toujours de manière à apporter une plus grande profondeur symbolique, sans que les transitions soient abruptes. Quant à la langue, non seulement Mouawad offre un texte bien rythmé et très poétique, mais il exploite aussi pleinement le potentiel que lui offre un milieu comme le Québec, une province bilingue qui parle un français fortement influencé par l’anglais. Mouawad n’hésite donc pas à utiliser tout le matériel langagier à sa disposition pour rendre son texte efficace, combinant français standard, français québécois, anglais, langue populaire et langue soutenue selon l’agencement le plus harmonieux. Se procurer Incendies [1] Françoise Coissard, Wajdi Mouawad Incendies, Paris, Honoré Campion, collection Entre les lignes littératures Sud », 2014, p. 7. Désormais, les références à ce texte seront indiquées entre parenthèses à la suite des citations, avec la mention Coissard ». [2] Allociné, Incendies », page consultée le 12 septembre 2018. [3] Wajdi Mouawad, Incendies – Le sang des promesses 2, Montréal, Leméac/Actes Sud, coll. Babel », 2011, p. 136. Désormais, les références à ce texte seront indiquées entre parenthèses avec le numéro de page pertinent.